L'alcoolisme
Ce contenu répond à de nombreuses questions sur l’alcool, sa consommation et de son niveau de dépendance.
L'ESSENTIEL
Un, deux, trois verres par jour… A partir de quelle quantité la consommation d’alcool devient-elle problématique ?
Pour beaucoup, l’alcoolisme correspond à une consommation excessive et quotidienne de boissons alcoolisées. Mais d’autres comportements, notamment chez les plus jeunes, doivent aussi inquiéter.
Sous l’emprise de l’alcool, la vie semble tantôt plus facile, tantôt plus difficile… Et pour cause, quand il est consommé à l’excès, l’alcool modifie les perceptions !
Aussi pénible puisse-t-elle être, la classique gueule de bois n’est qu’un avant-goût des effets de la consommation chronique d’alcool sur la santé. L’impact physique de l’alcoolisme peut être grave et, parfois, irréversible.
Le sevrage est une étape clé du traitement de la dépendance à l’alcool.
Si la motivation et la force de caractère sont primordiales pour vaincre l’alcoolisme, il ne s’agit pas des seuls moyens dont on dispose. Des traitements médicamenteux peuvent aussi aider.
Besoin d'un coup de pouce pour arrêter de boire ? Ou d'un soutien pour résister une fois le sevrage terminé ? Des groupes d’entraide peuvent vous aider.
L'alcoolisme est parfois qualifié de maladie chronique. Un terme qui sous-entend qu'il n'est pas possible de le guérir mais bien d'apprendre à vivre avec.
QUELLE EST LA CONSOMMATION MAXIMUM D'ALCOOL CONSEILLÉE ?
Puis-je boire tous les jours ?
En matière de consommation d’alcool, tout est une question de fréquence, de quantité et de durée. De manière générale, la consommation d’alcool doit être un plaisir occasionnel : un verre de vin pour accompagner un bon repas par exemple. Il y a lieu de se poser des questions lorsque nous avons du mal à nous passer d’alcool en dehors de ce type de circonstances et que l'alcool est présent au quotidien.
Au-delà de quelle quantité l’alcool est-il dangereux pour la santé ?
En juin 2017, les autorités de santé, en lien avec la MILDECA et l’INCa, ont proposé ces recommandations: pas plus de 2 verres par jour, pas plus de 10 verres par semaine, 2 jours sans alcool par semaine.
En effet, on sait que le risque de cancer existe dès le premier verre d’alcool, et ces nouveaux seuils de consommation correspondent à un risque « acceptable » de 1 décès sur 100 attribuable à l’alcool.
Les risques d’une consommation excessive d’alcool sont-ils liés à sa durée ?
Plus la consommation excessive d’alcool s’étend sur la durée, plus les conséquences sur la santé sont importantes et potentiellement irréversibles.
Et plus la consommation d’alcool est précoce, plus le risque de dépendance est élevé et les consommations excessives plus fréquentes.
QU'EST-CE QUE L'ALCOOLISME ?
En France, 8 millions de personnes ont un mauvais usage de l’alcool : 6 millions d’hommes et 2 millions de femmes. L’alcoolisme est généralement assimilé à la dépendance physique à l’alcool (besoin d’alcool le matin pour se sentir en forme, présence de sueurs et de tremblements en absence de prise d’alcool). Pourtant, d’autres comportements doivent aussi inquiéter :
- Lorsque la consommation d’alcool est excessive même si elle n'induit pas (encore) de problèmes de santé.
Par exemple : avoir l’habitude de boire trois bières pour se détendre tous les jours après le travail.
- Lorsque la consommation d’alcool est excessive et entraîne des risques pour la santé, même si le phénomène de dépendance physique ne s’est pas encore installé. Et ce même si elle est ponctuelle. Il s’agit par exemple du binge drinking, populaire notamment chez les jeunes, qui consiste à consommer beaucoup d’alcool en très peu de temps pour atteindre l’ivresse au plus vite. Avec ce mode de consommation, une dépendance psychologique est souvent présente, même si elle est minimisée par les consommateurs.
- Lorsqu’on est dépendant à l’alcool. C’est-à-dire lorsqu'on n'a plus de contrôle sur la quantité d’alcool consommée et lorsque le manque d’alcool s’accompagne de symptômes de sevrage : tremblements, nausées, sueurs… confusion et/ou convulsions. Cette dépendance à l'alcool est d'ailleurs considérée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme une véritable maladie.
On a longtemps opposé l’abus/usage nocif d’alcool et la consommation excessive à la dépendance, et il était parfois difficile de se situer. En 2016, une approche plus dimensionnelle de la dépendance supprime les notions d’abus/usage nocif et de consommation excessive. On parle maintenant de dépendance légère, modérée ou sévère, selon le nombre de critères de dépendance présents.
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE L'ALCOOLISME ?
En dehors d’une relation à risque avec l’alcool, boire un ou deux verres détend, rend la vie plus légère… Mais c’est de moins en moins le cas lorsque la consommation devient régulière et excessive. Avec le temps, l’alcool modifie la personnalité, il ne joue plus son rôle de réducteur de l’anxiété et les situations conflictuelles se multiplient. Les colères ou, au contraire, une lassitude excessive deviennent la règle. L’alcoolisme s’accompagne souvent de troubles psychiatriques. La dépression est une conséquence bien étudiée de l’alcoolisme.
Ces modifications du comportement ont par ailleurs des répercussions sur la vie sociale, professionnelle et familiale. Comportements à risque (prendre le volant en ayant consommé une quantité excessive d’alcool, rapports sexuels non protégés, voire forcés), conflits, incapacité à faire face à sa charge de travail, violence verbale ou physique sont autant de causes de marginalisation de la personne alcoolique.
ALCOOL, QUEL RISQUE POUR LA SANTÉ ?
Consommé à l’excès, l’alcool est responsable de manière directe ou indirecte de 13 % des décès chez les hommes et de 5 % des décès chez les femmes en France. L’alcool est d’ailleurs considéré comme la 2e cause de décès prématuré. Chaque année, 49 000 décès sont directement attribuables à l’alcool, dont 15 000 décès par cancer et 12 000 décès par maladie cardio-vasculaire.
Quelles sont les conséquences directes de l’alcool ?
Diverses maladies peuvent être la conséquence directe d’un dépassement des repères fixés par les agences de santé publique en matière d’alcool :
- Augmentation du risque d’hypertension artérielle et de maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC)
- Atteintes spécifiques du muscle cardiaque liées à l’action toxique de l’alcool : cardiomyopathie éthylique
- Augmentation du risque de certains cancers comme ceux de la langue, de l’œsophage mais aussi du foie, du sein, du côlon ou du rectum
- Risque de cirrhose du foie et de pancréatite
- Toxicité pour le cerveau, favorisée par une alimentation pauvre et des déficits en vitamines comme la vitamine B1 avec possibles troubles intellectuels parfois irréversibles (syndrome de Wernicke-Korsakoff)
- Atteintes des nerfs des jambes (polynévrite) avec troubles de la sensibilité et de l’équilibre
- …
Quelles sont les conséquences indirectes de l’alcool ?
La vigilance et les capacités d’attention et de concentration d’une personne alcoolisée sont réduites. Par ailleurs, la consommation d’alcool provoque des troubles de la vision et de la coordination. Autant de conséquences qui font que, chaque année, l'alcool est responsable de 30% des accidents mortels de la route et de 15% des accidents du travail.
L’alcool est aussi considéré comme un facteur favorisant certains délits ou suicides.
ALCOOLISME : EN QUOI CONSISTE LE SEVRAGE ?
Le sevrage se définit comme l’arrêt complet de la consommation d’alcool. Au cours des premiers jours, des symptômes liés au manque - anxiété, sueurs, tremblements, nausées… - apparaissent. Ils vont s’estomper puis disparaître en 2 à 5 jours sous traitement.
Quand faut-il arrêter de boire ?
Il n’est pas nécessaire d’être dépendant à l’alcool pour arrêter de boire. Il peut être intéressant de s’arrêter plusieurs jours pour faire le point sur son rapport à l’alcool. En revanche, quand la dépendance s’est installée, le sevrage est un passage obligé sur le chemin de la guérison. Ce chemin sera parfois long, et il pourra éventuellement passer par une étape intermédiaire : la réduction de consommation.
Sevrage : peut-on se faire aider ?
Pour mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut se faire épauler par un alcoologue. Celui-ci évalue le degré de la dépendance à l’alcool et détermine la meilleure méthode de sevrage.
Plusieurs possibilités existent :
- Un sevrage au domicile
- Un sevrage à l’hôpital
Un traitement médicamenteux est généralement prescrit pour réduire les symptômes liés au sevrage. Par ailleurs, l’arrêt brutal de la consommation d’alcool peut être responsable de convulsions qui peuvent être évitées par la mise en place d’un traitement approprié. Ces symptômes s'estompent dans la majorité des cas en 2 à 5 jours. La durée du sevrage est variable d'un patient à l'autre et dépend du type de sevrage : 2 à 3 semaines sont souvent nécessaires, et quelques semaines dans un centre de post-cure sont parfois bien utiles Un suivi sur le long terme est dans tous les cas nécessaire pour l’aider à rester abstinent.
J’ai rechuté, c’est grave ?
La rechute est une étape normale quand on est devenu dépendant et que l'on arrête de boire. Il ne faut pas la considérer comme un échec, ne pas se culpabiliser. Être bien entouré par ses proches et par des professionnels de la santé constitue un réel soutien pour repartir du bon pied et construire un nouvel équilibre.
EXISTE-T-IL UN TRAITEMENT PROPRE À L'ALCOOLISME ?
Quel traitement pendant le sevrage ?
Il existe deux types de traitements médicamenteux :
- Le traitement du sevrage aigu diminue les symptômes du manque comme l’anxiété, les transpirations abondantes, le tremblement… Il a aussi pour but d’éviter certaines situations directement liées au sevrage comme le risque de convulsion ou de delirium tremens, qui associe confusion, hallucinations, agitation importante… Il s’agit généralement de médicaments calmants (benzodiazépines) associés à des apports suffisants en eau et en vitamines, comme la vitamine B1. Ce traitement n’excède pas 5 à 10 jours
- D’autres traitements aident à rester abstinent : ils diminuent l’envie de boire ou agissent sur le cerveau de manière à ce que boire ne procure plus le plaisir qu’il procurait auparavant. Certains médicaments provoquent également des réactions désagréables en cas de consommation d’alcool. Ces traitements ont une efficacité limitée. Ils ne constituent qu’un soutien à l’action des thérapeutes spécialisés et des groupes d’entraide.
Dans les deux cas, il est nécessaire d’accompagner ces traitements médicamenteux d’une prise en charge psychologique.
ARRÊTER DE BOIRE : QUI PEUT M'AIDER ET ME SOUTENIR ?
L'organisme d'entraide le plus connu : les Alcooliques Anonymes . Mais il est loin d'être le seul, de nombreux groupes d'entraide ont vu le jour. Tous ont le même objectif : soutenir et entourer ! Rejoindre l'un de ces groupes ouvre la porte d'un espace de convivialité et d'amitié où personne ne juge personne. On peut y parler de ses doutes et de ses peurs en toute confiance.
En outre, rencontrer d'anciens alcooliques qui parviennent à rester abstinents rassure, motive et diminue le sentiment de honte.
Il existe également des associations spécialisées comme les ANPAA, structure régionale de l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Pour connaitre la structure la plus proche de chez vous, rendez-vous sur : http://www.anpaa.asso.fr/adresses-utiles
De nombreuses associations nationales, comme Vie Libre, La Croix Bleue, Alcfool Assistance, ainsi que des associations régionales et locales comme Vie sans alcool Isère, se sont regroupées au sein de la Coordination des Associations et Mouvements d’Entraide Reconnus d’Utilité Publique de France (CAMERUP).
EST-IL POSSIBLE DE GUÉRIR DE L'ALCOOLISME ?
Comme c'est le cas pour le cancer, le diabète ou l'hypertension, d'autres maladies dites chroniques, il n'existe pas de traitement ou de prise en charge qui traite définitivement l'alcoolisme. Ce qui signifie qu'il faut rester abstinent. En revanche, il est tout à fait possible de réapprendre à vivre sans l'alcool.
Parfois, il sera possible de reprendre une consommation contrôlée, mais en étant suivi médicalement de manière régulière. Cela n’est pas possible pour tout le monde, car la perte de contrôle peut réapparaître chez certaines personnes. Il faut alors faire définitivement le deuil de l’alcool, car on peut très bien vivre sans boire de l’alcool.
Un jour, je n'aurai plus envie de boire ?
Des études montrent que plusieurs années après l'arrêt de l'alcool, de nombreux alcooliques ne ressentent plus l'envie de boire. Ils ont pris l'habitude de vivre sans l'alcool. Si, dans les premières années, l'impression de lutter contre ses vieux démons peut sembler omniprésente, ce sentiment diminue, chez certains, jusqu'à disparaître avec le temps.
Auteurs : ARVERS Philippe (Dr - Médecin addictologue et tabacologue) ; RIGAUD Alain (Président de l'ANPAA, Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (Anpaa)) ; VIVIO